Qu’est-ce qui cloche avec RuneQuest ?

Résumé des épisodes précédents.

J’arrive à la fin de la série de posts sur « Jouer dans Glorantha avec… » et ma réflexion sur RuneQuest : Aventures en Glorantha (Role-Playing in Glorantha dans la VO) a un peu évolué avec l’étude d’autres systèmes et l’extension de la gamme. Comme le prochain article sera une synthèse des différents possibilités, je n’ai pas envie d’en consacrer la moitié à RQG. J’ai déjà livré un long article sur le livre de base de RQG, je vais essayer d’éviter les redites.

Qu’est-ce qui fonctionne super bien avec RQG ?

Déjà, l’ensemble de la gamme est une grande réussite dans sa direction artistique : les illustrations sont superbes et inspirantes, ça transpire le divin et le mythique et on se démarque avec brio du côté « celto-nordiques vs empire romain » du Glorantha des années 2000.

Ne le négligeons pas, c’est aussi un magnifique hommage à Greg Stafford (1948-2018) et à la cosmogonie qu’il a crée, auxquels des ouvrages comme les Cults of RuneQuest rendent enfin pleinement justice.

Ce qui marche super bien, c’est aussi la production communautaire, autour du Jonstown Compendium. Les grognards de la première heure y éditent ou rééditent des ouvrages maison qu’ils peaufinent depuis des décennies, de plus jeunes créateurs se lancent. On y trouve aussi bien des scenarios variés que des campagnes complètes ou des développements de lore très spécifiques qu’aucun éditeur sain d’esprit n’aurait laissé voir le jour. Pour qui sait se retrouver dans le foisonnement du JC, c’est une mine d’or à ciel ouvert.

Enfin, pour le marché français, ce qui marche aussi super bien c’est l’engagement de Studio Deadcrows dans le suivi et les traductions de la gamme, avec des foulancements couronnés de succès et des productions de scenarios et campagnes spécifiques à la VF.

Moon Design et Chaosium exhument un grand ancêtre du jeu de rôle.
Qu’est-ce qui cloche avec les systèmes à prétention réaliste ?

Dans un système abstrait, la mécanique va faire progresser l’action et la narration sera librement de la responsabilité de la tablée. Dans un système prétendant simuler la physique de l’univers, la mécanique va dicter une part importante de la narration.

Supposons que votre guerrier, acculé et sur la défensive lors d’un combat, veuille repousser son adversaire d’un coup de pied avant de lui asséner un coup d’épée sur la tête.

Avec un système abstrait, les règles vous donneront une réussite globale de l’action et vous pourrez l’habiller narrativement pour que la scène corresponde à votre envie.

Dans un système à prétention réaliste où vous avez une compétence de coup de pied, des règles sur le recul et des règles de visée pour la localisation, c’est le drame. Vous risquez de vous engouffrer dans une série de règles spécifiques que tout le monde maîtrise mal. Au final, vous aurez probablement fait un choix sous-optimal en situation tactique. Désormais vous vous contenterez de dire « j’attaque ». Si jamais vous avez trouvé la martingale qui fonctionne hyper bien avec les règles, vous risquez d’avoir tout un groupe qui enchaînera les chassés – coup à la tête jusqu’à la fin de la campagne.

Qu’est-ce qui cloche avec le Basic Role Playing System ?

Comme le Basic Role Playing System de Chaosium est très répandu, beaucoup de lecteurs auront déjà fait le tour du problème : les caractéristiques qui ne servent presque plus une fois passée la création, le chirurgien réputé qui rate 20% de ses opérations, les combats où on jette beaucoup de dés pour qu’il ne se passe rien si deux combattants faibles ou au contraire trop compétents s’affrontent… Beaucoup de jeux utilisant le BRP proposent une réflexion et des solutions pour ces problèmes identifiés depuis longtemps, ce n’est malheureusement pas suffisamment le cas de RQG, qui se contente d’invoquer la « règle d’or » ou la « règle du fun maximum ».

Le nœud du problème : trois jeux en un.

RQG marque le retour de RuneQuest et de Glorantha sous le giron de Chaosium. L’objectif du jeu était de faire vivre des personnages puissants influencés par les Runes, les dieux et les institutions de l’univers dans la période de la Guerre des Héros. Le tout dans la continuité du système RuneQuest. Chaosium va tenter de donner vie à une créature de Frankenstein contenant des éléments de :

RuneQuest 2, mâtiné de quelques emprunts à RQ3 et à d’autres jeux basés sur le BRP. Soit, comme décrit dans cet article, un jeu aux ambitions réalistes, détaillé à l’extrême dans ses combats et où les personnages sont définis principalement par leurs compétences. La cohérence de RQ2 est de présenter un monde dangereux dans lequel des personnages faibles vont s’élever progressivement. Dans une logique initiatique, en même temps que les joueurs, les personnages vont découvrir les secrets magiques de l’univers et s’intégrer à un culte et à la société gloranthienne jusqu’à en atteindre les hautes sphères.

Pendragon. L’autre grand jeu de Greg Stafford, qui visite le mythe arthurien avec des parti-pris très originaux. Les campagnes de Pendragon se jouent sur du temps long, avec le rythme original d’une seule aventure par an. Plus qu’un chevalier, les joueurs incarnent une lignée, avec la création d’un historique familial détaillé et la gestion du domaine et de la famille lors d’une phase d’hiver. Plus encore que par leurs compétences, les personnages sont guidés par leurs traits de personnalité, leurs liens de loyauté ou leur passions amoureuses, autant d’éléments qui peuvent les inspirer aussi bien que les contraindre. Ces partis pris, qui auraient pu alourdir le jeu, fonctionnent dans le cadre d’un BRP très allégé et où aucun personnage ne maîtrise la magie. Notons au passage qu’une version gloranthisée de Pendragon, intitulée PendragonPass fut utilisée par certains des auteurs de la gamme actuelle.

Herowars/Heroquest. Promis depuis 1978, le jeu dans un Glorantha héroïque arrive en 2000 avec le designer Robin Laws aux manettes. En abandonnant les prétentions au réalisme physique pour une mécanique plus abstraite qui fait la part belle à la narration, le jeu rend jouable les aventures épiques, les personnages plus grands que nature et les aventures sur le plan divin. Alors que les scénarios classiques de RuneQuest donnaient à voir une situation historique plutôt figée, HW/HQ propose des campagnes où des PJ participent au retour de divinités ou de constellations et lancent les premières étapes de la Guerre des Héros.

Pas de miracle, la greffe prend mal. Les défauts de l’attelage sautent aux yeux dès la création de personnage. La procédure est interminable et au final on ne sait pas si on a créé le continuateur d’une lignée prestigieuse (définie par moult tirages sur 2 générations), un aventurier lambda (tirage des caractéristiques dans l’ordre sur 3d6 et caractéristiques secondaires anémiées qui vont avec) ou un puissant magicien/serviteur des dieux/shaman, ce qui demande de rapidement absorber les règles très touffues de 2 voire 3 systèmes de magie distincts pour sélectionner des sorts, parfois très puissants, souvent mal équilibrés.

Le côté initiatique de RQ2 est mort d’entrée. Le niveau de puissance épique de HW/HQ s’atteint au prix d’une énorme complexité, avec malgré tout des personnages fragiles à la merci du premier coup critique adverse.

Le livre de règles propose, toujours dans la veine de Pendragon, le rythme d’une aventure par saison avec une période de temps sacré calquée sur la période hivernale. Les scenarios et le cadre du Quickstart puis du Kit de la meneuse (Gamemaster Screen Pack en VO) laissent entrevoir des personnages intégrés à l’organisation sociale d’une tribu et d’un clan. Mais dès le Starter Set, on retrouve le cadre plus classique du groupe de personnages de passage enchainant les missions de commande. Les ambitions de temps long et d’intégration sociale risquent de se diluer et d’être relégués à la périphérie d’un jeu déjà très dense.

On a donc, selon les lectures, un RuneQuest alourdi qui ne laisse pas le temps de l’apprentissage, un HQ/HW incomplet (pas de règles pour les quêtes héroïque) mais empesé par une mécanique réaliste lourdingue, ou encore un PenDragonPass dilué et étouffé dans un système tentaculaire.

Qu’est-ce qu’on fait ?

Pas le choix, il va nous falloir patcher et adapter à mort ou trouver des alternatives. Ça tombe bien, le prochain article vous proposera un coup d’œil synthétiques sur différentes solutions pour jouer des rôles dans Glorantha.

Ok, son design est bancal, mis il a tellement d’amour à vous offrir…

2 commentaires sur « Qu’est-ce qui cloche avec RuneQuest ? »

  1. Je n’avais pas envisagé les choses sous cet angle.
    Mais effectivement, ta synthèse me fait réfléchir à pourquoi je n’ai toujours pas encore masteriser du RQ:G alors que j’ai masterisé RQ2 pendant près de 10 ans, les doigts dans le nez qui plus est.

    Mince, il faut que je me penche là-dessus.

    J’aime

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